Julien Bok

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b) ACTIVITES DE RECHERCHE ET D’ENSEIGNEMENT

I. ACTIVITES DE RECHERCHE

Elle s’est déroulée de 1956 à 1989 au laboratoire de Physique de l’ENS et depuis 1989 à l’E.S.P.C.I de Paris.

Les résultats les plus remarquables obtenus sont les suivants:

1. Electrons chauds

Lorsqu’on applique un champ électrique intense à un semiconducteur, les électrons gagnent une énergie importante et en régime stationnaire leur température est supérieure à celle du réseau cristallin et peut atteindre des valeurs très élevées de l’ordre de 104 K. J’ai proposé une théorie simplifiée de cet effet, en introduisant 2 paramètres physiques, le courant de dérive vd et la température électronique Te. 2 équations de bilan de la quantité de mouvement et de l’énergie permettent de calculer ces 2 grandeurs. Cette étude a eu un certain retentissement à l’époque et a repris de l’importance récemment car les phénomènes d’électrons chauds limitent en fait les performances des circuits intégrés en silicium.

2. Propagation et amplification des ondes électromagnétiques dans les solides conducteurs

En 1960, P. Aigrain suggère que des ondes électromagnétiques polarisées circulairement peuvent pénétrer dans un corps conducteur, la propagation se faisant le long d’un champ magnétique appliqué. Ce mode baptisé « hélicon », a été mis en évidence pour la première fois dans l’équipe J. Bok par R. Veilex et A. Libchaber dans le semiconducteur InSb. L’onde hélicon se propageant avec une vitesse de phase v lente, on peut espérer l’amplifier en la faisant interagir avec un faisceau d’électrons de vitesse supérieure à v. J. Bok et P. Nozières ont publié, en 1963, un calcul complet de cet effet amplificateur et déterminé les circonstances expérimentales pour son observation. Ce papier a connu un grand retentissement international car il décrivait le premier amplificateur à ondes progressives à l’état solide. De nombreux laboratoires se sont intéressés à cet effet qui a été mis en évidence expérimentalement par un chercheur des Bell Telephone Laboratories, J. Bartelink. Ce dispositif n’a pas eu l’application pratique espérée car il ne fonctionne qu’à basse température.

3. Effet Bernouilli et champs électriques dans les supraconducteurs

La mesure des champs électriques et des potentiels électrostatiques dans un supraconducteur est assez subtile. Il faut réaliser qu’une d.d.p. électrostatique dans un supraconducteur ne peut se mesurer avec un voltmètre qui en fait mesure des différences de potentiel chimique qui sont nulles dans l’état condensé. Ces d.d.p. électrostatiques apparaissent en fait sous forme de d.d.p. de contact et peuvent être mesurées par la méthode de Kelvin qui consiste à détecter les charges induites sur les plaques d’un condensateur. Les paires d’électrons dans un supraconducteur forment un fluide parfait sans viscosité, on peut donc leur appliquer la loi de Bemouilli, qui s’écrit dans ce cas 1/2  m v(2) + eV = cte où V est le potentiel électrostatique, m et e les masses et charge de l’électron, v la vitesse d’écoulement du superfluide. Si l’on a une distribution inhomogène de vitesse, il apparaît une différence de potentiel électrostatique V. L’expérience a été réalisée par J. Bok et J. Klein en utilisant un cylindre de plomb plongé dans un champ magnétique. Ce fut la première mesure directe d’un champ électrique dans un supraconducteur à l’équilibre.

4. Les composés d’insertion du graphite

Le graphite est un cristal lamellaire où les liaisons entre carbones sont fortes dans le plan des lames et faibles entre les plans. Différentes molécules peuvent réagir sur ce matériau et s’insérer entre les plans, il s’agit de donneurs d’électrons comme les alcalins, ou d’accepteurs d’électrons comme les oxydants. Par dopage ces matériaux peuvent atteindre des conductivités très grandes parallèlement aux plans, supérieures à celle du cuivre, la conductivité perpendiculaire restant très faible. Ces matériaux fom1ent des métaux bidimensionnels. Notre équipe à l’ENS avec celle de C. Rigaux a apporté plusieurs contributions importantes à ce domaine. le caractère bidimensionnel a permis un calcul simple de la structure électronique. Une théorie de la conductivité électrique a été proposée. De nombreuses expériences de transport et d’optique ont permis de vérifier ces modèles. L’équipe de l’ENS a été reconnue intemationalement et a organisé plusieurs réunions et colloques sur le sujet.

5. Le recuit laser

Une technique en plein développement pour réaliser des dispositifs de très petites dimensions sur silicium, donc à très haut niveau d’intégration, est d’introduire les impuretés dopantes par implantation ionique. On peut ainsi contrôler avec un grande précision la profondeur d’implantation des ions. Malheureusement la couche implantée est très endommagée et pratiquement amorphe. Une technique utilisée pour la recristalliser est le recuit par une impulsion laser de courte durée, ce qui évite les diffusions d’impuretés. Le mécanisme du recuit n’était pas bien compris au début des années 80, et une controverse s’était établie entre ceux qui pensaient qu’il y avait fusion puis recristallisation et ceux qui pensaient à une réorganisation du réseau cristallin sans fusion grâce à l’existence d’un plasma électrons­ trous très dense: J. Bok et M. Combescot ont montré qu’en fait un plasma de très forte densité peut abaisser la température de fusion du silicium. Un calcul complet du diagramme de phase dans le plan température-densité a été présenté. Des densités de plasma de l’ordre de 1020 porteurs par cm3 peuvent être obtenues et donner un recuit thermique.
Aujourd’hui, il semble acquis que le processus de guérison est thermique.

6. Activité de Recherche (1993-2010) – Supraconducteurs à haute Tc

En 1986, la découverte de la supraconductivité à haute Tc a été un grand choc pour la communauté des physiciens du solide. La théorie de ces nouveaux composés supraconducteurs fait encore l’objet de controverses entre chercheurs. Les interactions magnétiques jouent un rôle certain dans les propriétés physiques de l’état normal. Dès le début 1987, J. Labbé et moi-même avons remarqué qu’un métal bidimensionnel présentait forcément une singularité de densité d’états électroniques (singularité de van Hove) et qu’une telle singularité pouvait conduire à de hautes Tc. Plus récemment, J. Bok et L. Force ont montré que ce résultat restait valable, même en tenant compte de la répulsion coulombienne entre électrons.

En 1995, J. Bouvier et moi-même démontrons que l’anisotropie du gap supraconducteur découle directement de l’influence des singularités de van Hove lorsque l’on utilise un potentiel d’interaction électron-phonon faiblement écranté dans l’équation BCS. Puis (1995-2010) nous expliquons les principales propriétés physiques des supraconducteurs à haute température critique grâce à notre modèle.  Actuellement nous développons un modèle tenat compte des déformations du réseau, de la haute densité d’états au niveau de Fermi et de l’écrantage pour optimiser la Tc des cuprates.

Dans le domaine de la microélectronique, j’ai proposé un transistor à effet de champ supraconducteur avec un canal formé de multicouches YBaCuO-PrBaCuO. Un brevet a été déposé. Un autre brevet a été déposé sur un commutateur rapide à base de supraconducteurs à haute Tc.

A compter du 1.01.1990, un laboratoire de physique des solides a été créé à l’ESPCI, sous ma direction, qui est en grande partie consacré à l’étude des supraconducteurs à haute Tc. Des moyens de préparation de couches minces ont été mis en place, en particulier par ablation laser pulsée. Les technologies de base sont testées et les premiers composants ont été réalisés. Un premier transistor à effet de champ a été fabriqué en collaboratiol) avec le LETI de Grenoble et confirme les prédictions théoriques de J. Bok et P. Bernstein.

Nous espérons que l’étude et la réalisation de ces composants sera développée par la nouvelle unité mixte CNRS-Thomson CSF qui doit démarrer au 1.1.96.

II. ACTIVITES D’ENSEIGNEMENT

Je suis agrégé de physique et j’ai pratiquement enseigné sans interruption depuis 1956 jusqu’en 2006. Je suis actuellement Professeur Emérite.

Parmi les faits marquants de c’ette activité, on peut citer:

– le DEA de Physique des Solides Orsay-Paris

Ce DEA a joué un rôle considérable dans le développement de la physique des solides en France. Il a été depuis une trentaine d’années une pépinière de jeunes physiciens qui forment à l’heure actuelle l’ossature de la plupart des laboratoires universitaires, publics et industriels français. J’ai participé à la création de ce DEA. à l’initiative de J. Friedel. J’y ai enseigné depuis 1963 et j’en ai la responsabilité pour l’Université de Paris VI.

– l’enseignement à l’Ecole Normale

Vers la fin des années 60, J. Brossel a créé à l’ENS un DEA de physique atomique et statistique destiné à donner à des étudiants de haut niveau, une formation à la fois générale et approfondie. Dès le début, J. Brossel m’a confié l’enseignement de la physique du solide dans ce DEA. Ceci a permis, au cours des ans, d’attirer de nombreux normaliens vers la physique de la matière condensée.

– Enseignement pour ingénieurs

Depuis 1991, P. G. de Gennes m’a confié l’enseignement de la physique thermique pour les élèves ingénieurs de première année de l’ESPCI.

Je suis l’auteur ou coauteur de 3 ouvrages d’enseignement dans la collection Méthodes chez Hermann, ed.